Ma journée a commencé hier à la mairie pour la cérémonie très officielle de fête des 50 ans du service de chirurgie cardiaque de Rennes... que d’émotions ! Et un discours passionnant et fougueux du fabuleux chef de service Jean-Philippe Verhoye.
Le soir ambiance entre nous, simple et douce. Le président de l'Association qui a financé le livre prend la parole. Regards appuyés, respiration, clin d'oeil complice… c'est à moi ! Je m'avance et je prends une dernière grande inspiration :
" Bonsoir à tous, je me présente devant vous juste après avoir été à Saint-Malo pour signer un autre de mes livres au festival Étonnants voyageurs. J’en ai gardé un bandeau de pirate… mais ce n’est pas une subite demie-paralysie faciale qui va m’empêcher de prononcer ce discours et d’être à vos côtés, tellement je tenais à être là et surtout à vous remercier.
60 interviews, une journée au bloc, 132 pages, une année entière de travail…
Lorsque j’ai rencontré le professeur Jean-Philippe Verhoye, en mars 2021, j’ai été absolument fascinée. Je regardais ses mains et me disais qu’avec elles, chaque jour, il sauvait des vies. Qu’il réparait des cœurs, organe vital, mais aussi organe des émotions.
Une semaine après cette rencontre, il me recontacte et me dit que je suis tombée du ciel, qu’il cherche depuis des semaines quelqu’un pour porter un projet incroyable, un projet qui lui tient à cœur justement : un livre pour célébrer les 50 ans du service. Je n’hésite pas une seule seconde. Ca me va bien d’être tombée du ciel. Je suis plutôt du genre fonceuse et je fonctionne toujours au coup de cœur. Ca tombe plutôt bien aussi. Il faut dire que je sors d’un long tunnel d’une lancinante maladie et partir sur un tel projet m’apparaît alors comme une évidence. Comme une urgence.
Il y a eu cette journée au bloc. Au départ, je ne voulais pas y aller, j’esquivais à chaque proposition. Une grande peur de tomber dans les pommes, de ne pas être à la hauteur de la confiance accordée. Une grande peur de déranger. Et puis, j’ai voulu commencer à écrire. Impossible. Ma plume ne pouvait bouger. Il fallait que j’y aille. « Si tu n’y vas pas, tu ne peux pas nous comprendre » me répétait souvent le professeur Verhoye… alors j’ai pris mon courage à quatre mains. Avec le professeur, les choses ne végètent jamais bien longtemps. « Mardi, 8 heures ».
Un peu tremblante et quelque peu émue, je me présente à l’heure dite. Je fais part de mon angoisse de faillir. « Ne t’inquiète pas, on a l’habitude ». Je revêts la tenue adéquate, bleu pour le bloc, me dis que je suis dans « Urgences » et que Georges Clooney va débarquer pour me donner du courage.
Le bloc. Ambiance solennelle. Je m’approche doucement du patient, juste à son épaule… et je le découvre. Incroyable. Il bat. Il est là, dans la poitrine ouverte en deux, rouge orangé, magnifique… Je vais ainsi assister à une reconstruction de la racine aortique, m’émerveiller devant la précision des gestes, de cette chorégraphie incroyablement orchestrée, découvrir, bouche bée, la machine de CEC, voir le cœur s’arrêter, être réparé minutieusement… puis repartir, un peu bousculé, comme par magie… je trouve cela beau. Oui, beau. Et non, je ne tombe pas dans les pommes. Parce que j’ai conscience que je vis quelque chose d’absolument extraordinaire. Que j’ai une chance infinie de me tenir là, au chevet de la vie. Que j’ai une chance incroyable d’être entourée d’une équipe qui opère, mais qui prend également soin de moi. Je ressors émue, impressionnée, touchée… Totalement fascinée.
Et toutes ces rencontres ! Si riches, si passionnantes, si enrichissantes. J’ai réalisé plus de soixante interviews et chacune d’entre elles m’a bouleversée. Des patients auprès desquels je n’ai pu retenir quelquefois mes larmes, pas fameux pour une journaliste, mais j’ai vérifié la Charte ne l’interdit pas – heureusement !- J’espère qu’ils ne seront pas déçus… Ce courage infini qu’ils ont tous montré, ces témoignages de leur intimité qu’ils ont bien voulu me livrer, cette confiance qu’ils m’ont accordée... j’espère qu’ils ne seront pas déçus.
Et puis tous les chirurgiens et chirurgiennes, passés et présents, qui m’ont tous impressionnée et avec qui j’ai passionnément aimé retracer le parcours et échanger. Certains m’ont même adorablement offert le petit déjeuner, m’ayant donné rendez-vous dès potron minet, avec une touchante délicatesse. Les assistantes, Elodie, Anne-Cécile, Sylvie, Laetitia et Aurélie qui ont fini par me connaître par cœur tellement je les ai sollicitées, qui ont toujours répondu efficacement à mes demandes et écouté gentiment tous mes partages d’expériences et mon enthousiasme souvent quelque peu débordant. Qui m’ont supportée dans tous les sens du terme !! Mais comment ne pas être enthousiaste ? À chaque fois que je racontais avec passion ce que je vivais, toutes les personnes que je croisais avaient toutes les yeux écarquillés. J’ai même quelquefois posé mon bureau au CHU et je me sentais presque faire partie du service. J’ai tellement aimé cela !
Tout au long de cette année de travail, j’ai pu constater combien, à chaque étape, j’étais entourée, épaulée, accueillie par les équipes, qui m’ont toutes accordé du temps, que je sais pourtant ô combien précieux. Je n’ai rencontré que des personnes exceptionnelles. Vraiment. Des personnes dévouées. Toutes. Et je garde de chacune de ces rencontres un précieux souvenir qui m’aidera à reprendre la route. Car il va falloir maintenant apprendre à tourner la page…
60 interviews, une journée au bloc, 132 pages, une année entière de travail.
Quelle aventure pour moi ! Combien les émotions ont été grandes tout au long de ce long parcours de préparation du livre que nous vous avons concocté. Nous l’avons voulu beau, unique, émouvant… qu’il soit à la hauteur de tout ce qui se joue dans les couloirs du service de chirurgie thoracique, cardiaque et vasculaire du CHU de Pontchaillou. Votre service.
Alors MERCI au professeur Verhoye pour la confiance accordée dès le premier jour.
MERCI à Loïc Guillo et Mickael Hubert de Gosselin Design et Digital pour la mise en musique, absolument royale, de mes textes et des photos. Nous avons fait beaucoup de projets ensemble, mais je crois qu’avec celui-là, nous avons atteint les sommets !
Et puis, très cher service, merci encore une fois pour tout ce que vous m’avez donné, pour tout le soutien adorable que vous m’avez apporté en cette année compliquée pour moi. Vous ne m’avez pas opérée, mais vous m’avez accompagnée, sans doute sans le savoir, sur le chemin de la renaissance. Et quoi de plus incroyable que de renaître grâce au premier service de chirurgie cardiaque de France ?
Alors ambivalence… Je suis vraiment heureuse d’avoir mené à bien ce projet phare. Et fière de vous le présenter enfin. Mais je suis aussi très triste de le terminer.
MERCI à tous, du fond du cœur, je vous avoue que vous allez sacrément me manquer. Mais « la vie est une aventure » m’a confié l’un d’entre vous. Alors j’espère secrètement, de tout mon cœur, que nous allons trouver un moyen pour nous retrouver !"
Sourires complices qui me portent, regards adorables qui me soutiennent… J’ai réussi mon discours ! Je suis super émue. Je ne voulais pas étourdir l'émotion, mais bien la laisser sur le fil, sans le briser, comme ces relations qui débutent et que l'on aimerait éternellement en suspens… Applaudissements nourris. C’était bon de leur dire officiellement combien j’avais passionnément aimé cette année et combien ils m’étaient tous très chers. Combien ils allaient me manquer... c’était bon d’être entourée de personnes dans l’empathie, la bienveillance, qui ne jugent pas mais accueillent.
Et puis piste de danse ! Nous avons ouvert le bal avec une patiente, on s’est éclatés ! Et on s'est déhanché jusqu’à deux heures du mat, quasi sans interruption... jusqu’à la fin du dj...
Le chirurgien a même dansé avec sa patiente, comme c’était joli !
Mais l’apothéose fut à minuit quand toutes les assistantes m’ont entourée en une ronde, serrée dans les bras très fort et entonné joyeux anniversaire ! Et puis, un chirurgien qui sait écouter les cœurs a pris le micro pour me dire bon anniversaire devant tout le monde, m’offrir du champagne et me remercier encore pour le livre. Toujours avec élégance. Un livre qui marquera l'histoire du service. Je suis tellement heureuse d'en faire un peu partie désormais…
Le secret pour être heureuse ? Juste savoir s’entourer, et se laisser cajoler... accueillir tout cet amour, cette joie, cette bonté... là, j’avoue je plane et pas qu’à moitié !!
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